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Myocardite immuno-médiée : toxicité rare, grave et létale des inhibiteurs de points de contrôle immunitaire - 16/06/22

Doi : 10.1016/j.revmed.2022.03.162 
M. Kaakoua , S. Djenaoui, N. Joseph, A. Mohamed, L. Zanardo, E. Samy, G. Poenou, J. Chidiac, I. Mahe
 Service de médecine interne, hôpital Louis-Mourier - AP–HP, Colombes 

Auteur correspondant.

Résumé

Introduction

L’avènement des inhibiteurs de points de contrôle immunitaire a permis d’améliorer la survie globale des patients atteints de cancer bronchique. Toutefois, l’utilisation de ces thérapeutiques expose à des toxicités différentes de celles observées avec la chimiothérapie, qui peuvent mettre en jeu le pronostic vital. Les suspecter est donc primordial pour mieux les prendre en charge. Nous illustrons à travers un cas clinique les difficultés diagnostiques d’une myocardite après immunothérapie et sa gravité.

Observation

Nous rapportons le cas d’un patient âgé de 72 ans, séropositif pour le VIH, ayant comme facteur de risque cardiovasculaire un tabagisme actif évalué à 15 PA. Il était suivi pour un carcinome bronchique à petites cellules métastatique ganglionnaire et osseux sous chimiothérapie associée à l’immunothérapie de première ligne comprenant Etoposide, Carboplatine et Atézolizumab. L’évaluation cardiovasculaire pré-thérapeutique était normale, sans anomalie électrique à l’ECG, avec une cinétique et une fraction d’éjection du ventricule gauche normales à l’ETT. Cinq jours après le 3e cycle de traitement, le patient a consulté aux urgences pour une dyspnée stade III de la NYHA associée à des douleurs thoraciques atypiques. Cliniquement le patient était tachycarde avec à l’ECG une fibrillation auriculaire sans signe d’ischémie myocardique. Sur le plan biologique, on note une élévation la troponine à 4500ng/L (N : <76ng/L), NT-pro-BNP à 4400ng/L (N : <400ng/L),D-Dimères à 1600ug/L (N : <500ug/L), et CPK à2400UI/L (N : <200UI/L). Un angioscanner thoracique réalisé en urgence a exclu une embolie pulmonaire et montre une pneumopathie bilatérale. Les hémocultures reviennent positives à streptocoque pneumoniae. Il est alors mis sous céfotaxime. L’évolution a été très rapidement défavorable, marquée par la survenue en quelques heures d’un état de choc cardiogénique et décès du patient lors de son transfert en réanimation. Devant le choc cardiogénique de survenue brutale, en l’absence de cardiopathie ischémique, rythmique ou d’embolie pulmonaire, chez un patient sous immunothérapie, l’hypothèse d’une myocardite induite par l’immunothérapie a été soulevée dans le contexte.

Discussion

L’immunothérapie a nettement amélioré le pronostic des patients cancéreux en raison de son efficacité et de son profil de tolérance prévisible et de plus en plus connu. Plusieurs événements secondaires dits immuno-médiés sont cependant observés au cours du traitement. La cardiotoxicité immuno-induite est loin d’être la plus fréquente (<1 %) mais reste très grave et d’évolution fatale dans presque 50 % des cas [1]. Le plus souvent il s’agit d’une myocardite « auto-immune »qui survient généralement durant les trois premiers mois du traitement. Les manifestations cliniques sont très variables, pouvant aller d’une simple forme infra-clinique à une forme grave dite fulminante avec dysfonction ventriculaire et décès. Les marqueurs biologiques cardiaques sont souvent augmentés [2]. Toutefois, la confirmation de la myocardite par IRM cardiaque ou par biopsie myocardique est rarement accessible en urgence. La myocardite immuno-médiée doit être suspectée cliniquement chez tout patient sous immunothérapie qui présente des manifestations cardiovasculaires inexpliquées avec des anomalies électriques associées à une élévation des marqueurs cardiaques biologiques afin qu’on puisse proposer une prise en charge adéquate et urgente. La corticothérapie reste le traitement urgent de référence. Son administration précoce permet de réduire le risque de survenue des complications cardiovasculaires graves définies par le choc et le décès cardiogénique. Ce risque est estimé de 7 % si la corticothérapie est débutée dans les 24h suivant le début des symptômes, alors qu’il est estimé de 85 % lorsqu’elle est instaurée 78h après [3].

Conclusion

La myocardite immuno-induite est une complication rare, de pronostic sombre et d’évolution imprévisible pouvant entraîner le décès. Son diagnostic est difficile et doit être suspecté chez tout patient sous immunothérapie présentant des manifestations cardiovasculaires inexpliquées. Sa prise en charge nécessite une corticothérapie urgente dès qu’elle est suspectée.

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Vol 43 - N° S1

P. A216 - juin 2022 Retour au numéro
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